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Des contenus Web de qualité, c’est quoi? De notre côté, experts, nous savons ce que c’est : nous avons des indicateurs, des préceptes et des principes pour déterminer et optimiser la qualité des contenus Web. Mais qu’en est-il du côté de l’utilisateur… Quels sont ses indicateurs, ses critères de choix? Quelques réflexions sur le sujet. N’hésitez pas à intervenir.

Les usines à contenus, une menace?

Je réagissais hier à une intéressante discussion sur LinkedIn, sur le thème « Les usines à contenus, une menace pour les média, les blogs et Google? ». De mon point de vue de consultante éditoriale, ce n’est pas tant la question des usines à contenu qui a retenu mon attention. Certes, j’ai mon avis là-dessus. Oui, les usines à contenu constituent une menace. Mais c’est une menace surmontable et parfaitement assimilable.

Il y a toujours eu des organisations pour cultiver naïvement le primat de l’économie immédiate, et il y aura toujours des entreprises pour privilégier une vision à long terme d’influence et de qualité. Je me dis même parfois que la présence de ces usines procure aux agences et prestataires intelligents et honnêtes, un incitant supplémentaire pour améliorer sans cesse leurs méthodes, leur services et leur offre.

Bref. Ce qui a suscité mon intérêt, surtout, dans cette discussion, donc, c’est la réponse d’Olivier Binisti. Olivier a initié le groupe (saluons-le) intitulé « Brand Content / Contenu de marque ». Je n’ai pas encore évoqué sur ce blog le buzz qui est consacré depuis quelques temps aux « branded contents », mais je ne manquerai pas d’y revenir. Ce qui est important ici, c’est de préciser que le groupe ne se consacre pas à la « Content Strategy » tout court, mais bien, donc, aux contenus de marque, où l’objectif de vente, de fidélisation et de conversion l’emportent (parfois, malheureusement) sur celui d’informer l’internaute.

La qualité des contenus, une question de modèle

Nul ne remet en question la nécessaire qualité des contenus en ligne. C’est du reste ce qu’exprimait Olivier dans la discussion : « les utilisateurs sont en recherche de qualité ». Ce que je ne cesse de prêcher sur ce blog depuis des années.

Cependant, je crains (l’expérience aidant) que dans le cas des branded contents, on ne puisse, honnêtement, brandir cet argument sans nuance. Selon moi, tout dépend du modèle mis en place, des attentes des audiences et de la relation que l’annonceur veut entretenir avec ces audiences, et du « statut » des contenus. Je parle ici, je le répète, en tant que prestataire. Pour des agences. Pour des annonceurs.

D’un business model à l’autre, les objectifs poursuivis à travers les contenus ne sont pas les mêmes. Leur valeur en tant que catalyseur d’information, de conversion, de fidélisation et de vente n’est pas exploitée de manière égale d’un projet à l’autre.

Et du reste, sur quel type de contenus les exigences des internautes portent-elles:

  • sur les contenus générés par les annonceurs (fiches produit, procédures d’inscription, notices d’utilisation, …)
  • et / ou également sur les contenus générés par les utilisateurs (témoignages des membres sur l’utilisation de ces produits,  commentaires et autres forums de discussion, …).

L’émergence grandissante de métiers tels que « community managers » et autres « content moderators » nous feraient croire que les annonceurs ont entendu le message du consommateur, qui « veut de la qualité un point c’est tout ». Et pourtant…

Les utilisateurs, des usines à contenu, eux aussi?

Je vous livre, parmi d’autres, un exemple concret. Au sein de We Are the Words, nous avons produit, pendant plusieurs mois, pour le lancement d’un site portail, un gros volume d’articles destinés à « enrichir » le site de contenu pertinent, qualitatif, divertissant – en lien, bien évidemment, avec les domaines d’activités de l’annonceur.

Il y avait une véritable éditorialisation dans nos contenus, ainsi qu’un travail d’adaptation au média et au lectorat. Très vite, le portail a rencontré un franc succès auprès des audiences ciblées. Mais ce n’était pas pour la qualité de nos contenus que ce succès grandissait. C’était davantage parce que les membres, eux-mêmes invités à produire des articles, étaient récompensés pour les contenus produits (par un système de bonification).

Au bout de quelques mois, le volume d’articles écrits par les membres avait de loin dépassé celui que nous produisions nous.  Ces UGC (« gratuits » pour l’annonceur) allaient donc pouvoir « remplacer » l’apport des prestataires. D’autant que les KPI des UGC indiquaient des taux de visite très satisfaisants. Pire : certains articles étaient davantage lus et commentés lorsqu’ils émanaient des membres que ceux, du même type, écrits par les journalistes.

Pourtant, la qualité de ces UGC est médiocre (tant au niveau formel qu’au niveau du fond). Résultat : notre tâche a progressivement consisté à retoucher les contenus voire, lorsqu’ils étaient très médiocres, à les réécrire entièrement tout en gardant la signature de l’auteur original. Et nous produisions de moins en moins nous-mêmes…

Le grand retour de la doxa

Aujourd’hui, le portail fonctionne majoritairement sur la base de ces UGC ; la qualité éditoriale ne fait que baisser, mais le succès continue d’augmenter. Parce que, précisément, les UGC sont récompensés… Et parce que le modèle pousse les membres à produire de la quantité plus que de la qualité. Et ça marche. Car, au final, le modèle épouse fidèlement les attentes de ses audiences.

En conclusion, dire que les utilisateurs veulent des contenus de qualité est parfaitement relatif : cela dépend de la nature des utilisateurs, de la nature des contenus et de la nature de la qualité.

Soit dit en passant, j’ai longtemps réfléchi aux raisons pour lesquels les UGC avaient beaucoup plus de succès que nos articles – surtout ceux où il y avait matière à comparaison. Selon moi, cette expérience – comme beaucoup d’autres exemples – illustre ce que j’appellerais le grand retour de la « doxa », de l’opinion. L’utilisateur ayant pris la parole (le pouvoir donc) du Web, il devient lui-même média, et en tant que tel, son avis fait autorité…

Utilisateurs, experts, e-clients, e-commerçants, votre avis m’intéresse. Participez à la discussion (et/ou participez au sondage tout en haut de la colonne centrale de ce blog).

Allez plus loin

La  discussion sur LinkedIn, sous le groupe « Branded Content ».


Commentaires

  1. Klaire dit :

    Merci pour cet article qui me semble assez réaliste. Pour moi le questionnement qui en découle est : est-ce parce que les utilisateurs se contentent de contenu médiocre qu’il faut s’en contenter ? Le professionnels de l’info ont-ils un rôle à jouer pour tenter de « tirer vers le haut » le niveau d’exigence du lectorat ?
    [Vaste débat… :)]

  2. Gael dit :

    Les sites de questions/réponses risquent de prendre de plus en plus de place avec le temps… Et la qualité passe à la trappe..

    Gael

  3. Guido dit :

    Le risque n’est pas dans la qualité du contenu généré par les utilisateurs. Le risque est dans la perception de ces utilisateurs et leur fausse impression de démocratie et liberté d’expression. Il y a doxa, mais doxa géré par les community managers et modéré par le webmaster. Je doute fort que sur le site mentionné dans l’article se trouve une rubrique « le coin de Greenpeace » ou « j’ai pas aimée… ». Mais aux yeux de M. tout le monde, le site est sur Google, donc c’est vrais ce qu’il dit. Ce n’est la voix de l’expert qui parle, ni celle du peuple mais des fanboyz et girlz mobilisés par le community manager.

    Finalement cela va se tourner contre les entreprises. « Tout le monde nous aime » dit avec assurance le community manager. « Mais les ventes ont encore diminués » dit le comptable inquiét. « C’est à cause de la crise économique » soupire le PDG.

  4. Addzab dit :

    Personnellement, je distingue deux causes à cet état de fait :
    — La volonté de l’internaute de s’imposer comme média (comme signalé en fin d’article).
    — Le désintérêt profond et la méfiance de l’internaute pour les contenus « Officiels » proposés sur les supports marketting des entreprises (blogs, forums, portails, media sociaux…).

    L’internaute juge ces contenus (à tort ou à raison) creux, inintéressants ou orientés. Et il suffit de consulter les blogs ou les pages Facebook de nombre d’entreprises françaises pour se convaincre que, dans de nombreux cas, l’internaute est loin d’avoir tort.

    Du point de vue du rédacteur compétent, de l’ateur de « Branded Content », qui fait son travail, qui s’implique, et qui se retrouve malgré tout délaissé au profit des UGC, c’est évidemment extrêmement frustrant.

    La situation semble donner raison à l’UGC de mauvaise qualité…

    Mais, en même temps, est-ce que ces contenus remplissent l’objectif final du support marketting ? Comme le souligne Guido, ce support n’est pas une action gratuite. Il a un objectif. Est-ce que la publication en masse d’UGC telle que tu nous la décris va dans ce sens ?

    Il faut opérer un tri entre « Les utilisateurs à la recherche de qualité », qui, eux, ont un rôle à jouer dans la réalisation des objectifs du blog ; et les « utilisateurs-doxa » qui, à mon avis, ne sont pas conciliables avec les objectifs marketting.

  5. D.VDA dit :

    Le problème avec cet exemple c’est qu’il nous manque l’exemple en question pour mieux en parler. 😉 Des contenus valables mais pas spontannés et des contenus bancals authentiques s’affrontent, la méfiance et la roublardise l’emportent !

    Mais cela va bien dans le sens de ce long étirement de la classe moyenne vers le café du commerce d’un côté et le « Premium » de l’autre. Courte vue, démocratie d’opinion et démagogie participative…

  6. Bonjour et merci pour cet article très intéressant.

    Il y a longtemps que vous réfléchissez aux raisons du succès de l’UGC face aux contenus plus traditionnels produits et mis en avant, je ne pense donc pas qu’après avoir lu cet article on puisse vous apporter la ou plutôt les réponses. Il y en a certainement plusieurs : plus de proximité entre le rédacteur et le lecteur, sentiment d’appartenance, etc.

    L’objet de mon commentaire est de creuser davantage l’aspect co-production. Vous dites en effet que votre travail a consisté ensuite à retravailler les UGC. Est ce que cette démarche a fonctionné ? plus que l’UGC non retravaillé ? Quel est votre point de vue sur la démarche ? son efficacité ? sa pertinence ? etc.

    Merci d’avance 🙂

  7. Michelle dit :

    […] This post was mentioned on Twitter by We are The Words. We are The Words said: Chers internautes, vous voulez -vraiment- des contenus de qualité? | Ecrire pour le Web @ WAW http://bit.ly/9PHoNs […]

  8. @ tous : merci pour votre participation à cette discussion. Comme vous le savez, elle a aussi été menée sur LinkedIn, sous le groupe Branded Content. La conclusion ? Je maintiens que lorsqu’il s’agit de branded content, la qualité n’est pas un critère de satisfaction utilisateur suffisamment mesurable. En revanche, la pertinence est un indicateur clé: pertinence du contenu pour l’audience ciblée et donc, pour que celle-ci puisse effectuer la tâche qu’elle est venue effectuer.

    @ D.VDA : je comprends votre curiosité, mais une clause de confidentialité m’oblige à rester dans le vague. Du reste, on pourrait appliquer le cas de figure à de nombreux sites, dont Doctissimo, pour ne pas le citer.

    @ Sylvain : la démarche de retravailler les UGC n’a pas été le coeur de la stratégie du client. Toutefois celui-ci ne voulait pas non plus d’un site « poubelle ». Nous avions donc la mission de lisser les grosses imperfections: erreurs d’orthographe, de grammaire et de syntaxe empêchant la lisibilité ; transformation des articles écrits en majuscule (je vous jure qu’on a eu DES TONNES D’ARTICLES ÉCRITS EN MAJUSCULES, ET C’ÉTAIT TERRIBLEMENT FATIGUANT A LIRE ET PEU AMÈNE.

    En tant que telle donc, la réécriture des UGC a une valeur ajoutée mineure. Tout le travail de fidélisation et de conversation avec les utilisateurs, par contre, est très critique.

  9. VIGNAUX dit :

    Je partage votre opinion sur le grand retour de la doxa : c’est l’utilisateur qui devient le media ! Il en va ainsi de Google où la « popularité » devient qualité !! et de la pratique de nombreux journalistes de moins en moins cultivés (on ne le leur demande pas !) qui nous imbibe !!

  10. Patrick dit :

    Merci pour cet article qui me semble assez réaliste. Pour moi le questionnement qui en découle est : est-ce parce que les utilisateurs se contentent de contenu médiocre qu’il faut s’en contenter ? Le professionnels de l’info ont-ils un rôle à jouer pour tenter de « tirer vers le haut » le niveau d’exigence du lectorat ?
    [Vaste débat… :)]

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